Terroirs
Au début de la vigne, la terre
L’œnologue ne travaille pas que sur le raisin ou la vigne. Son travail débute bien en amont par une étude minutieuse du sol et de ses qualités.
De sa nature végétale, la vigne tire une relation particulière avec la terre. Si l’étude des sols, la pédologie, est une science, celle qui se penche sur la relation entre cépages et sols l’est également. N’importe quel raisin ne se contente pas de n’importe quelle terre. Il y a des affinités à connaître, à respecter.
La connaissance pointue de cette relation fait partie des bagages de l’œnologue. Elle est d’autant plus importante qu’elle est intimement liée à un concept qui n’a cessé de prendre de l’importance depuis les années 1990, en particulier dans le domaine de la vigne et du vin: le terroir.
Les sols - le climat
Le mot terroir dérive du latin «terra» ou «territorium». S’il a tant d’importance aujourd’hui, c’est qu’on lui associe volontiers deux notions également fort à la mode, celles d’authenticité et de diversité qui sont assurément devenus des arguments marketing incontournables dans le monde des vins.
Pour que la référence au terroir ne soit pas utilisée de façon chaotique, l’organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a décidé en 2010 d’adopter une définition reconnue par l’ensemble des pays membres. Elle dit ceci: «Le terroir vitivinicole est un concept qui se réfère à un espace sur lequel se développe un savoir collectif des interactions entre un milieu physique et biologique identifiable et les pratiques vitivinicoles appliquées, qui confèrent des caractéristiques distinctives aux produits originaires de cet espace. Le terroir inclut des caractéristiques spécifiques du sol, du climat, du paysage et de la biodiversité.»
Cette définition, aux accents parfois abscons, cherche concrètement à contrer le risque d'une uniformisation des produits agroalimentaires, consécutive à l'industrialisation des techniques de production et à la globalisation des marchés, et ce pour le bien des producteurs comme des consommateurs. C’est pour cela que la plupart des régions viticoles du monde tentent de valoriser leurs vignobles et leur production par référence aux caractères que confère le lieu de production.
Les sols
La connaissance des différents types de sol est indispensable pour exercer le métier d’œnologue, surtout si ce dernier est amené, ce pour quoi il est formé, à devoir choisir le cépage le mieux adapté à un futur vignoble. On connaît par exemple la grande affinité du pinot noir pour les sols calcaires. Ou encore l’attention qu’il faut porter aux cépages tardifs à qui l’on doit réserver, dans nos contrées, les meilleures conditions. Par exemple, les sols drainants seront préférés aux sols plus lourds, connus pour se réchauffer plus lentement, s’opposant à la pleine maturation du fruit.
Le spécialiste saura donc tirer profit des spécificités des sols ou limiter leurs éventuels effets négatifs. Il déterminera leur nature, leur structure, leur profondeur, évaluera leurs réserves en eau, ainsi qu’en matières minérales et organiques, et finalement inventoriera leur biodiversité.
Le climat
Avec le sol, le climat participe bien évidemment aux conditions cadres déterminant la production de vin. Outre de solides connaissances de pédologie, l’œnologue doit donc également acquérir celles qui lui permettront de cerner avec le plus de justesse possible le microclimat d’un lieu donné. Un exercice difficile si l’on se souvient de tous les paramètres qui entrent en jeu dans une telle évaluation: température, précipitations, rayonnement, humidité de l’air et du sol, exposition des parcelles (pente, proximité d’un cours d’eau, d’une montagne, régime des vents, risque de gel…)
Si tant d’importance est donné à l’étude des sols et du climat, c’est que ces deux facteurs influencent les conditions de maturation et déterminent le potentiel qualitatif du raisin. La science et l’expérience de l’œnologue lui permettent de compenser certains aléas. Toutefois, c’est principalement en amont que son travail se révèle décisif. Il doit en effet opérer les bons choix dès la plantation de la vigne afin de minimiser les risques agronomiques et, par conséquent, commerciaux qui pourraient en résulter. C’est à cette étape cruciale que l’œnologue doit mettre en œuvre tout ce qu’il a appris et notamment les exigences imposées par certains types de sol ou microclimats et leur conséquence sur la future relation avec le cépage désiré.
Bien que des pratiques oenologiques bien maîtrisées soient susceptibles de mettre en valeur les qualités d’un vin de terroir, les vins issus d’un grand terroir se caractérisent toujours par leur capacité à briller sans grande intervention œnologique. Le mieux étant l’ennemi du bien, l’œnologue aura alors pour seule mission de minimiser ses interventions, de magnifier l’expression du terroir, de faire exister ce dernier en ajoutant ses compétences à celles du vigneron et du caviste. L’œnologue intervient donc à chaque stade de la chaîne, de l’étude des sols à la commercialisation.