Analyse
Des sciences au service du palais
Formé à la microbiologie et à la chimie, l’œnologue se sert de ces techniques non pour changer le vin, mais pour mieux respecter sa nature.
Le vin est un produit qui repose sur des processus de transformations physiques et chimiques. Si le savoir de la transformation du raisin en vin existe depuis des siècles et même des millénaires, la connaissance intime des processus impliqués n’est, en revanche, que très récente. Au fur et à mesure des progrès de la science, l’œnologue a appris à se servir de ces sciences et des techniques qu’elles offrent pour affiner ses analyses et accompagner le produit vers la meilleure qualité possible. Elles sont des aides précieuses quand on sait que le vin contient pas moins de 800 composés différents et qu’il connaît une évolution permanente.
Ce n’est qu’en 1857 que Louis Pasteur a découvert les secrets de la fermentation sous l’effet du travail des levures. Pour la petite histoire, c’est Napoléon III, lors du Second Empire, qui demanda au scientifique de travailler sur cette question alors que le souverain s’inquiétait des altérations que le vin subissait trop souvent à son goût. Mais l’analyse chimique minutieuse des vins et de nombre de ses paramètres, elle ne se pratique régulièrement que depuis une cinquantaine d’années.
L’œnologue est formé à la chimie et à la microbiologie dans le but de conduire les examens qui dans, certains cas, ajouteront à la précision de ses propres évaluations organoleptiques (gustative, olfactive et visuelle).
Cette expertise, le professionnel peut la mettre au service d’un projet de recherche ou d’un laboratoire d’analyse conseil auquel ont recours nombre de vignerons et d’encaveurs.
Il existe de très nombreuses analyses possibles sur un vin. Après tout, ce dernier peut être constitué de plus de 800 molécules différentes dont beaucoup suivent une évolution ou se modifient. Les analyses standards servent par exemple à mesurer le degré d’alcool, la teneur en différents types de sucres, d’acides fixes et volatiles ou le pH. Elles servent aussi à mesurer le dioxyde de soufre (SO2) que l’on ajoute au vin et qui agit sur lui comme un antioxydant et un antiseptique.
Les analyses microbiologiques permettent, elles, de mesurer l’activité fermentaire. Durant la fermentation alcoolique – transformation des sucres en alcool - le suivi de l’activité des levures permettra d’anticiper tout arrêt de fermentation; alors qu’au cours de la fermentation malolactique – qui permet généralement de diminuer l’acidité d’un vin - ce sont les bactéries lactiques qui seront l’objet d’observations attentives.
Cette deuxième fermentation n’est pas systématique sur les vins blancs voire indésirable lorsqu’une certaine vivacité est souhaitée. Cela dépendra du cépage et du millésime. Pour suivre cette fermentation, on utilise un procédé baptisé chromatographie sur papier qui permet de séparer plusieurs acides contenus dans un produit en voie de vinification. Cette débauche de soins sert à prévenir les situations délicates et à éviter le recours à des solutions extrêmes pour corriger un défaut éventuel.
Dans des laboratoires spécialisés, propres aux activités de recherche, l’œnologue est amené à effectuer des analyses plus pointues. Arômes et polyphénols sont mesurés à l’aide d’instruments sophistiqués tels que les chromatographes à phases gazeuse ou liquide, ou encore les spectromètres. Des étapes préliminaires nécessaires à l’extraction des composés visés imposeront le recours à des techniques analytiques spécifiques.
Les différentes analyses sont caractéristiques des étapes d’élaboration d’un vin, depuis l’évaluation de la qualité de la matière première – le raisin – jusqu’au contrôle du vin fini. Elles impliquent des techniques instrumentales, chimiques et microbiologiques. L’œnologue n’est pas seulement formé à la manipulation de ces différents instruments. Il se distingue surtout par sa capacité à interpréter les résultats et à prendre les décisions ou à dispenser les conseils qui s’imposent pour mener le vin vers sa qualité optimale.
On l’aura compris, les connaissances chimiques de l’œnologue ne servent pas à modifier le vin, mais à l’accompagner pour qu’en bout de course, il donne le meilleur de lui-même. C’est le respect du produit, de son authenticité, loin des pratiques additives, qui prime. Plus l’œnologue parfait ses connaissances des phénomènes chimiques et microbiologiques, plus il se donne de chances de réussir cet accompagnement.
Aujourd’hui encore, nombre de laboratoires étudient toutes les molécules qui composent le vin. Ses sucres, ses acides, les alcools, ainsi que les polyphénols et les arômes induits par les fermentations. Pourtant, malgré tous ces efforts scientifiques, le vin et les processus qui sont à la base de sa transformation, sont loin d’avoir révélés tous leurs secrets. Une façon comme une autre de rappeler que, malgré l’excellence de la science chimique, rien ne peut remplacer l’évaluation olfactive, gustative et visuelle de l’œnologue.